Misère au Borinage

Home / Henri Storck / Filmographie / Alphabétique / Misère au Borinage

 

Crise dans le monde capitaliste. Des usines sont fermées, abandonnées. Des millions de prolétaires ont faim! C’est sur ces mots de manifeste et de révolte que s’ouvre ce film fondateur du cinéma belge et une des références les plus importantes du film documentaire. En 1932 une grande grève avait paralysé les charbon-nages de Wallonnie et la réponse patronale et policière avait été sans pitié, le tout dans la sous information et l’indifférence de la majorité du pays. André Thirifays, Pierre Vermeylen et tous les jeunes gens du club de l’écran indignés décidèrent de témoigner de cette misère noire avec leur arme à eux, une caméra.

Aidés par un médecin et un avocat, avec très peu d’argent, devant se cacher de la police mais soutenus par toute la population, le tournage se passa dans des conditions difficiles et exaltantes. Le film est dur, magnifique. Il a gardé toute sa force, son impact émotionnel d’indignation et de compassion. Il a donné à la classe ouvrière les images les plus fortes de son histoire et de ses luttes. Parmi elles: les expulsions, l’entassement des enfants dans les maisons taudis, leurs visages émaciés et absents, la procession avec le portrait de Karl Marx, le ramassage du mauvais charbon sur les terrils à l’aube, le mineur mendiant etc., sans oublier le choc du raccord des plans: les maisons vides alors que des sans-abri dorment dehors, une quasi famine et aucune aide tandis que des sommes importantes sont dépensées pour la construction d’une église…

 

Réalisateurs : Joris Ivens & Henri Storck

Inspiré de la brochure du Dr Hennebert fondé en 1031

Initiateurs : le Club de l’écran de Bruxelles (André Thirifays, Pierre Vermeylen)

Conseillers : Jean Fonteyne, Paul Hennebert

Images : Joris Ivens, François Rents, Henri Storck, actualités de l’époque

Production :EPI Éducation populaire par l’image
Coproduction: Club de l’écran

35mm/N&B/28 minutes/1933

 

Voix d’André Thirifays pour la sonorisation de 1963

 

Version musicale 1983

Musique : André Asriel

Conception et texte pour deux voix : Lothar Prox

Orchestre : Ensemble de Düsseldorf Institut Robert Schumann

 

Cliquez sur le lien ici pour obtenir le DVD

 

… Misère au Bornage est un reportage, si vous voulez, ce n’est pas un documentaire écrit, ni un film fait d’après une étude du sujet, avec un point de vue. C’est un constat très sincère et passionné parce que Joris et moi avons été bouleversés par les conditions de vie, par la misère de ces gens… Nous voulions révéler ce qu’avait de dantesque, d’infernal, ce monde ouvrier, comment on y subit une misère inimaginable, la dégradation, la résignation, la révolte. Aussi nous éprouvions un sentiment de participation intime avec la vie de ces gens, sachant que le document par lui-même suffirait, qu’il communiquerait sa signification horrifiée à la plupart des publics qui n’ont aucune idée de vies semblables…

Henri Storck, Documentary explorations, G. Leroy Levin, New York, Double day, 1971

 

… A bien des égards, le film fondateur du cinéma belge revêt des allures révolutionnaire. Premier film de témoignage… première expérience de mise en fiction du réel, … premier point de vue documenté… première plongée dans le social d’un pays déjà en phase de décomposition. Borinage a presque tout inventé…

Une encyclopédie des cinémas de Belgique.

Sous la direction de Guy Jungblut, Patrick Leboutte et Dominique Païni, Ed. Yellow Now, 1990

 

Borinage décrit avec une telle force la misère des Borains que les autorités préférèrent longtemps en interdire la projection.

Paul Davay, Cinéma de Belgique, Ed Duculot.

 

II y a deux parties dans les images et dans les textes: une strictement documentaire montrant des cas typiques… des conditions de vie ignobles et souvent ignorées et cela à quelques pas de la prospérité… l’autre partie où les réalisateurs prennent partie pour la classe ouvrière. Ce qui fait dire à un critique de cinéma, R. Jauniaux, que la deuxième partie n’est pas objective, qu’on oublie les socialistes pour ne parler que des communistes, qu’il s’agit d’un film de propagande…

Josette Debacker, Revue belge du cinéma, août 1979.

 

Le cinéma est par essence un art à la portée de la masse. On ne s’en est jamais servi pourtant pour intéresser cette masse à sa propre évolution, à ses propres manifestations. Bien au contraire le cinéma n’a servi jusqu’aujourd’hui qu’à la distraire, à l’endormir, qu’à la détourner de ses préoccupations et de ses problèmes. L’ouvrier est un personnage inconnu à l’écran…

Quant à la valeur d’un document social la plupart du temps on en supprime la vie la plus élémentaire. Durant la réalisation de notre film, un fait nous est apparu comme particulièrement important et sur lequel nous ne saurions manquer d’insister: c’est la valeur de cette matière, valeur qui ne se dégage que par le contact direct avec la vie, avec l’existence quotidienne.

Joris Ivens, Henri Storck, interview pour la revue belge, Documents 34, n° 4, janvier 1934.