Comme le temps paxe vite

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1974, 16 mm, noir et blanc, 11 min

Réalisateur : Roland Lethem
Scénario : Roland Lethem
Production : Natacha Schinski
Interprétation : Jean-Marie Buchet

 

Le cinéma de Roland Lethem s’enracine dans la charogne baudelairienne, là où le corps livre tous ses abandons visqueux, ses viscères saignantes et là, aussi, où la vie se terre dans l’œuf/embryon qu’il s’agit d’éradiquer.

Une imagerie de meurtre donc, et, par conséquent, de viol, de castration, de mutilation et de manducation sacrée ; une dioptique où l’ultime interdit est livré clairement : ce sera l’image d’un bébé chevauchant un pénis bandé, accompagné par une femme qui s’apprête à sucer.

La didactique de Lethem indique la voie à suivre : abhorrer le bourgeois et son capital, avorter, non pas au nom d’une liberté féministe mais, plus drastiquement, enfermer l’œuf dans la circularité de la digestion, transformant la vie en mort.  À la limite : manger la mort, engloutir ses artisans, les vers, qui font que toute tentative de vie devient le théâtre d’une fausse couche à cureter de ses intestins et, enfin, manger la femme morte, ultime roulette russe qui éclabousse de sang à tous coups.

Nous sommes en terrain connu.  Bunuel est passé par ce chemin d’une autre façon, Bataille y a laissé ses larves, Céline son irrémédiable nihilisme, mais l’originalité de Lethem, malgré ses moyens modestes et les faiblesses d’une rhétorique anarchiste désuète, nous donne à voir ce que le pouvoir féminin ne veut pas voir : le travail de la Mort avant qu’elle n’attaque l’œil, le siège même du divin.

Roland Lethem nous donne une autre histoire de l’œil… Au lieu de le scinder en deux avec une lame de rasoir (athéisme absolu) ou d’en faire une truffe pour vagin (gynocentrisme dangereusement fécond) il décide de le digérer. Bon appétit!

Monk Boucher, Leçons d’inanatomies, Cinéma abattoir 15/02/2007