Images d’Ostende (Henri Storck, 1929, 10’55)
Composition musicale de Joachim Brackx
Film organisé en chapitres visuels: le port, les ancres, le vent, l’écume, les dunes, la mer du Nord – une série d’images qui n’ont rien à voir avec l’anecdote ou l’illustration. L’eau, le sable, les vagues entrent directement dans un vocabulaire filmique.
Pour vos beaux yeux (Henri Storck, 1929, 6’31)
Composition musicale de Joachim Brackx
‘Félix et moi, nous décidâmes que nous ferions du cinéma. J’avais tourné Images d’Ostende en 1929, mais le film suivant, Pour vos beaux yeux, c’est lui qui en imagina le scénario.’ En huit minutes et 75 plans, il racontait l’histoire d’un jeune homme qui trouve un oeil de verre dans un parc, devient obsédé par sa trouvaille, et tente de s’en débarrasser en l’expédiant par la poste. Interprétée par Henry Van Vyve (Labisse et sa soeur Ninette n’apparaissant que dans le premier tiers du script), l’oeuvre se voulait dans la mouvance surréaliste, un an après Un chien andalou et son oeil tranché.
Histoire du soldat inconnu(Henri Storck, 1932, 10’38)
Composition musicale de Annelies Van Parys
Pour Histoire du soldat inconnu, Storck visionna une année d’actualités de 1928, où 60 nations avaient signé un pacte mettant la guerre hors la loi, et opposa cette généreuse utopie aux signes avant-coureurs d’un futur conflit (on était en 1932): exaltation des nationalismes, matraquages policiers, colonialisme à outrance, dirigeants bellicistes. Un montage féroce fait alterner sarcastiquement les bonnes intentions théoriques et le guignol politique des discours et des défilés, sur métaphores de cheminées d’usine s’effondrant au ralenti ou du cadavre exhumé d’un ‘soldat inconnu’.
Sur les bords de la caméra (Henri Storck, 1932, 10’47)
Composition musicale de Jan Van Outryve
Dans Sur les bords de la caméra, Storck utilise des images d’actualités de 1928, tout comme il l’avait fait auparavant dans Histoire du soldat inconnu, images qu’il exploite cette fois-ci sur un mode toutefois plus humaniste et burlesque. Il combine des images de mouvements de foule, de répression policière, d’explosions, d’émeutes et d’incendie avec des images de music-hall, de gymnastes, de mannequins et d’otaries qui rendent le tout encore plus inquiétant.
Combat de boxe (Charles Dekeukeleire, 1927, 7’30)
Composition musicale de Eric Sleichim
Quand Charles Dekeukeleire réalise Combat de boxe, il a vingt-deux ans et il est fou de cinéma. Il se situe d’emblée aux côtés de ceux qui défendent le cinéma pur: Germaine Dulac, Jean Epstein, Marcel L’Herbier, Louis Delluc. Dekeukeleire est également enthousiasmé par Vertov et sa conception du ‘cinéma oeil’. Un poème de Paul Werrie a servi d’argument à ce film, qui fonctionne sur des gros plans, des effets de surimpression, l’utilisation alternée de négatif et de positif, un travail lié au rythme. La violence du combat, la présence du public, la tension entre la foule et le ring, sont portés par un montage fulgurant et chorégraphique.
Visions de Lourdes (Charles Dekeukeleire, 1932, 17’54)
Composition musicale de Annelies Van Parys
Charles Dekeukeleire, catholique questionnant, réalise ce documentaire lors du pèlerinage des Jeunesses Ouvrières Catholiques. Le film est une réflexion critique, acerbe parfois, émue et fervente aussi, sur le lieu de toutes les crédulités et des croyances les plus cristallines. Des cortèges de pèlerins illuminés côtoient des bigotes roublardes, vendeuses de cierges; l’eau sous toutes ses formes ruisselle, comme les chapelets vendus aux devantures marchandes; les malades, patients dans l’attente du miracle, alternent avec les dons à la Sainte Vierge (hiératiques béquilles suspendues par centaines dans la Grotte Sacrée, hallucinants corsets de cuir et jambes de bois jonchant le sol, lettres par milliers emprisonnées dans des grillages offerts aux regards).
Impatience (Charles Dekeukeleire, 1928, 36’20)
Composition musicale de Thomas Smetryns
Un carton introductif informe le spectateur que le film sera composé de quatre séries d’images: ‘La moto, la femme, la montagne et des blocs abstraits’, éléments à partir desquels Dekeukeleire va construire son film selon des paramètres très précis. Le rythme du film est donné par une fragmentation mathématique en segments temporels. Les quatre jeux d’images vont se succéder dans toutes les combinatoires possibles, sans que jamais soit prise en compte une ligne mélodique ou une montée dramatique.
Histoire de détective (Charles Dekeukeleire, 1929, 50’52)
Composition musicale de Geert Callaert
Une femme inquiète du comportement de son mari, trop souvent absent, demande à un détective de le suivre et de lui faire un rapport. Argument classique de fiction, semble-t-il, d’autant plus que Charles Dekeukeleire découpe son film par des cartons qui nous informent des rebondissements de l’histoire. Cependant, cette trame ne sert qu’à mettre en avant un prétexte pour mieux désarticuler le récit au profit du seul cinéma. En effet, le détective va employer un appareil de prise de vues comme instrument d’investigation. La caméra devient ainsi le personnage principal et sa subjectivité va être le sujet essentiel du film. Cartons dessinés par le peintre Victor Servranckx.
La perle (Henri d’Ursel, 1929, 33’23)
Composition musicale de Mireille Capelle
Le comte Henri d’Ursel réalise La perle sous le pseudonyme d’Henri d’Arche dans, selon lui, ‘l’enthousiasme de l’inexpérience’. Il ne tourna qu’un seul film sur un scénario du poète Georges Hugnet. Dans un Paris calqué sur les feuilletons de Louis Feuillade, le héros se lançait à la poursuite d’une perle, sans cesse perdue et retrouvée, au fil des rencontres les plus insolites: souris d’hôtel gainées de collants à la Musidora, belle fiancée à bicyclette ou somnambule des toits en chemise de nuit, fantasmes amoureux dans les sous-bois. Hugnet jouait lui-même ce rêveur éveillé, hanté par un érotisme sans cesse présent dans les images.
Monsieur Fantômas (Ernst Moerman, 1937, 17’16)
Composition musicale de Geert Callaert
Ernst Moerman était amateur passionné des exploits du personnage de Souvestre et Allain, Fantômas, qu’il surnommait ‘le gentleman démoralisateur’, Moerman en fit le héros emblématique de son moyen métrage muet Monsieur Fantômas. Tourné à petits frais sur une plage du littoral et dans un vieux cloître, ce brûlot surréaliste se place d’emblée sous le signe des ciné-feuilletons de Feuillade. En smoking et chapeau claque, le Maître du Crime (incarné par le père du futur Johnny Hallyday) parcourt le monde à la poursuite de la belle Elvire, jalonnant son itinéraire de méfaits et d’outrages aux bonnes moeurs. On retrouve ici l’amour fou, les méandres du rêve, l’anticléricalisme forcené, l’appel à la subversion et à l’aventure dans ‘un monde où rien n’est impossible, où le miracle est le plus court chemin de notre inquiétude au mystère’ (E. Moerman).
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