Plan après plan, et le film est très découpé, Storck propose un regard sur un fragment, un aspect qui mettent en place ses éléments constituants et multiples. Ils font appel à leur équivalents cinématographiques, la lumière, le cadre, l’échelle des plans, le mouvement, le rythme. L’eau, le sable, les vagues entrent directement dans un vocabulaire filmique. C’est, auraient dit Germaine Dulac et ses amis, du cinéma pur. Un choc poétique et cinétique, sans fiction ni son qui dégage le cinéma de son obligation narrative pour le rendre au monde des sensations que lui seul peut porter. Un chef-d’œuvre immédiat, fondateur du regard de Storck.
Aspects intimes de la ville l’hiver
Le port, les ancres, le vent, l’écume, les dunes, la mer
Images : Henri Storck
35mm/N & B/muet/12’/1929-1930/75 plans
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Dès Images d’Ostende, sa caméra caresse les bateaux enfumés, glisse sur les ancres abandonnées des môles avant de s’arrêter, contemplative, devant les jeux de la nature, vaguelettes des mares, mouvements des dunes herbues, va-et-vient de l’écume et de la mer.
Andrée Tournès, Jeune cinéma, mai-juin 1988.
… Nous dirions sans aucun doute expérimentale. Mais disons aussi qu’à la différence de nombreux autres (rythmes purs, symphonies diagonales et ballets mécaniques dans ce film de Storck la tendance à l’abstraction ne dévalue pas la dimension matérielle, dense, sensuelle des éléments mais l’exalte plutôt, dans un abaissement organique, élémentaire, vitaliste. L’Ostende des touristes’ reste hors cadre (c’est l’hiver); le vent fait fuir les rares vacanciers, de même que l’objectif chasse tout résidu de trace humaine. Finalement il ne reste que la mer.
Michele Canosa, Henri Storck, il litorale belga, Campanotto Editore, Udine, 1994.
Images d’Ostende est, certes, une des plus belles œuvrettes de la poésie cinématographique pure que nous ait laissé le cinéma muet… La nouvelle forme cinématographique nous a fait perdre le goût de tels ouvrages dans lesquels vibrait intensément l’âme du cinéma. Ils n’en demeurent pas moins des témoignages qui ont une infinie grandeur et que l’on ne peut revoir sans une certaine nostalgie.
Carl Vincent, Histoire de l’art cinématographique, 1938.
(…) D’éphémères, fugitives beautés auxquelles la condensation du cinéma impose le rythme vivant de la danse. Une vague qui se retire peut laisser des rides sur le sable, mais le vent viendra tracer de nouvelles complications géométriques. Ces formes, Storck les enregistre comme un moment d’extrême tension, lorsque le vent contraint une nouvelle figure à se substituer à l’ancienne. (…)
Oswell Blakeston, The romantic cinema of Henri Storck, in Architectural Review, 1931, traduit de l’anglais.
Images d’Ostende, nous pouvons l’affirmer d’emblée, est un chef-d’ œuvre du cinéma documentaire, du paysage vu à travers un tempérament. La partie du film intitulée Les dunes tente de reconstituer pour le régal des yeux l’ondulation du sable, douce et infinie. La mer, la partie la plus longue, est la plus merveilleuse. Pour la première fois, le cinéma réussit à transmettre la sensation que produit en nous la mer en tant qu’abîme vertigineux: masse immense animée de mille rythmes. La mobilité des vagues, leurs suggestions, celles des horizons comme de la profondeur, tout cela est magnifiquement rendu par des moyens simples, aussi réussis qu’imprévus. L’écume de la mer, les ancres, le vent sont des poèmes cinématographiques qui ouvrent d’immenses possibilités au cinéma documentaire poétique.
Negativo, hoja del Cine Club, Buenos Aires, 21/6/1933, traduit de l’espagnol